Patrick Mardellat, Professeur des universités en sciences économiques et directeur des relations internationales de Sciences Po Lille, chercheur au laboratoire CLERSE, était l'invité de France Culture dans l’émission "Entendez-vous l’éco ?" du lundi 15 janvier dernier, au côté de Philippe Steiner, professeur émérite de sociologie à Sorbonne Université.
Le podcast est à écouter ou réécouter ici : "Max Weber : une pensée économique 1/3 : De l'économiste au sociologue" sur https://radiofrance.fr/franceculture/podcasts/entendez-vous-l-eco/de-l-economiste-au-sociologue-9615126 via @radiofrance
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Max Weber est né le 21 avril 1864 à Erfurt, en Allemagne, dans une famille intellectuelle et bourgeoise. D'abord reconnu pour ses travaux en économie, ses écrits, reconstitués à titre posthume, en font le précurseur de la sociologie économique. Il est l'auteur de textes désormais célèbres, qui appréhendent toute forme d'économie comme une forme sociale : L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme (1904-1905), Le savant et le politique (conférences datées de 1917 et 1919) et Economie et société (1921).
Weber a étudié le droit, l'histoire, l'économie et la philosophie avant de se tourner vers une carrière académique au sein de la chaire d’économie politique de l’Université de Fribourg. Patrick Mardellat nous précise "Max Weber se fait connaître avec un travail empirique secondaire relatif aux migrants polonais. Ce travail est profondément économique : il s’intéresse aux questions du travail, de l’emploi, de la concurrence entre les travailleurs bon marché polonais et les travailleurs allemands… Il soutient alors des positions très nationalistes (Weber a été un soutien de la monarchie jusqu’au milieu de la Première Guerre mondiale) avant d’adopter plus tard des positionnements plus libéraux (qui s’incarneront lorsqu'il participera à la constitution de la République de Weimar). Il obtient suite à ces travaux un poste à l’Université de Fribourg".
D’abord juriste, puis économiste, Max Weber se tourne au début du 20e siècle vers la sociologie, qui n’est pas encore une discipline institutionnalisée. Alors que la « querelle des méthodes » fait rage entre l’école autrichienne et l’école historique allemande, Weber - membre de cette dernière - adopte une position médiane, soutenant que la théorie et l'abstraction économiques portées par Carl Menger peuvent être, doivent être observées au prisme de la sociologie et de l’histoire, selon Philippe Steiner "Max Weber appartient (de façon revendiquée) à l’école historique allemande. L’école historique allemande a une démarche assez proche de certains courants de la sociologie économique (mettre l’accent sur les dimensions empiriques du travail par exemple, ou bien examiner les institutions comme un cadre défini dans lequel s’opèrent des comportements intéressés, ou encore se demander quels sont les modes d’actions des acteurs). Lorsque Max Weber dresse sa typologie des déterminants de l’action (action traditionnelle, action affective, action rationnelle en valeurs et action rationnelle en finalité), il s’inscrit dans cette tradition-là. Mais Weber est un membre très particulier de l’école historique allemande, puisqu’il refuse de s’opposer à l’école marginaliste de Menger dans le "Methodenstreit"".
C’est en cela qu’il s’intéresse à des questions éminemment économiques et pose les fondements de la sociologie économique : il adopte la méthode de la sociologie dite « compréhensive » et tente d’expliquer par les mécanismes d’action sociale l’émergence de ce qu’il appelle les « idéaux-types », que sont par exemple la constitution de l’Etat ou la généralisation du capitalisme marchand. Sa réception tardive, facilitée en France par Raymond Aron et Julien Freund, fait désormais de lui un auteur incontournable en sciences sociales.
Pour aller plus loin :
Philippe Steiner : La sociologie économique (1890-1920) (Presses Universitaires de France, 1995)
Patrick Mardellat : Economie radicale (à paraître aux éditions Hermann en avril 2024)