Lille, le 28 mars

Bonjour à toutes et à tous,

Je souhaitais revenir vers vous après le message que nous avons envoyé hier et qui a logiquement suscité beaucoup de réactions critiques voire virulentes.

Nous avions décidé de ne pas évoquer un report de la CRD dans ce message car la situation incertaine ne permet pas de savoir si nous pourrons avoir accès au théâtre à un autre moment d’ici à l’été.

En tout état de cause, je vous informe qu’une cérémonie aura bien lieu d’ici à la fin du mois de juin. Idéalement, il s’agira d’un report de celle qui était prévue vendredi (théâtre et cocktail). Si nous ne pouvons faire cela, alors nous organiserons quelque chose à l’école et aux alentours et très probablement un samedi en journée.

Je vous apporterai des informations plus précises sur ce point dès que nous aurons stabilisé une décision.

Je veux ensuite vous dire que cette décision a été l’une des plus difficiles à prendre pour moi en presque 13 ans de direction. Elle a également été très difficile à prendre pour toute l’équipe qui s’investit depuis plusieurs semaines.

Je sais bien, surtout pour une promotion dont le cursus a été altéré par le Covid, l’importance de la CRD et je sais les engagements divers, notamment financiers, qu’elle a généré. Je voudrais insister sur le fait que la situation sécuritaire autour de l’école et à proximité du théâtre ces quelques jours est souvent incertaine voire problématique, en particulier à l’heure prévue pour la CRD.

Bien sûr, nous aurions pu prévenir plus tôt mais je rappelle que la montée en tension est très récente et nous avons attendu un peu, sans doute trop à vous lire, en espérant que les choses se calment, ce qui n’est pas le cas.

Il est possible que rien ne se passe vendredi et que nous nous en mordions les doigts. J’ai considéré en conscience, après avoir recueilli l’avis unanime du comité de direction de l’école qu’il fallait annuler par précaution. La sécurité des personnes et des biens doit toujours être une priorité.

Il n’était tout simplement pas possible pour moi d’envisager de mettre en insécurité les 1.000 invités d’un moment qui se voulait festif et décontracté. J’ai évoqué les conditions psychologiques, mot qui n’a manifestement pas été bien accepté. Je voulais simplement dire que je ne voulais pas que la soirée soit scandée par des bruits de détonations, des klaxons de police et de pompiers, des cris. Je ne voulais pas envisager non plus de mettre le bâtiment sous la sécurité de la police ou de vous voir faire les quelques mètres qui séparent le théâtre de la salle du cocktail dans un environnement peu sûr.

Vous pouvez penser que j’exagère mais je peux vous dire que j’ai assisté en spectateur à des moments vraiment très tendus dans les jours qui viennent de se passer. J’ajoute que notre école à une visibilité et une notoriété dont on se réjouit en règle générale mais qui, en cette période, nous fragilise : nous sommes mis en cause pour être l’école du Ministre de l’Intérieur, je suis personnellement attaqué pour le rôle que j’ai joué dans la réforme du bac, plus généralement nous sommes stigmatisés pour être l’école du pouvoir et des « dominants ». Ce discours est d’ailleurs tenu par nos élèves engagés dans le mouvement social, ce qui contribue à sa diffusion. En résumé, nous sommes ciblés ce qui m’a conduit à fermer actuellement l’école et la bibliothèque. Je ne pouvais sérieusement pas écarter de ma réflexion le fait que la connaissance par certains de la tenue de notre CRD vendredi pouvait attirer l’attention et devenir un sujet d’intérêt. Là encore, vous pouvez penser que j’exagère mais j’ai préféré éviter le risque.

Je termine en vous indiquant qu’il ne nous est pas possible de prendre à notre charge tout ou partie des frais engagés pour venir vendredi. La raison est en partie juridique, elle est aussi financière car nous n’en avons pas les moyens. L’annulation entraîne pour nous des coûts incompressibles car nous allons devoir honorer des dépenses pour des prestations qui ne seront finalement pas réalisées. Ce que nous pouvons en revanche faire c’est préparer une attestation cadre qui indiquerait l’annulation et dégagerait bien entendu votre responsabilité. Peut-être serait-elle de nature à permettre soit un remboursement, soit une prise en charge par votre assurance. C’est évidemment ce point précis des moyens engagés qui suscite chez moi le plus de regrets et justifie encore une fois mes excuses.

Avec mes meilleures salutations,

Pierre Mathiot, directeur